Au-delà du risque malformatif, la prise de médicaments pendant la grossesse peut perturber le développement du fœtus et être responsable de diverses complications fœtales, néonatales ou pédiatriques.
Des études sur la consommation de médicaments dans les pays occidentaux ont révélé qu’environ neuf femmes sur dix consomment au moins un médicament pendant leur grossesse. La grande majorité des médicaments passe le placenta et est diffusée au fœtus qui est encore un être en développement.
Cependant, les femmes enceintes sont habituellement exclues des études cliniques et les effets indésirables des médicaments chez le fœtus ne sont généralement identifiés qu’après leur utilisation en cours de grossesse. Les effets indésirables les plus connus sont les effets malformatifs. Au-delà de ces effets, et après la formation de l’organe, certains médicaments pourront altérer son développement et être responsables de troubles de son fonctionnement. On parlera alors de troubles neurodéveloppementaux, d’insuffisance rénale, d’altération du système immunitaire, etc… Tous les organes ou tissus peuvent théoriquement être atteints.
Les équipes de l’unité propre de recherche 7323 (« Pharmacologie et évaluation des thérapeutiques chez l’enfant et la femme enceinte ») de l’Université Paris Cité et celle du Centre régional de pharmacovigilance des hôpitaux Cochin et Necker ont mené une revue de littérature coordonnée par Laurent Chouchana sur les effets indésirables potentiels des médicaments pris pendant la grossesse. N’étudiant pas les effets malformatifs, ils discutent les effets de certaines classes thérapeutiques sur le développement des organes du fœtus et les complications potentielles chez le nouveau-né voire chez l’enfant.
Les auteurs s’intéressent d’abord aux effets des médicaments sur la croissance du fœtus en discutant le risque de naitre « petit pour l’âge gestationnel » ou avec un retard de croissance après l’exposition à des médicaments anticancéreux, beta-bloquants ou antimigraineux de type triptans. Ils discutent aussi le risque de prématurité après la prise d’anticoagulants oraux, d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques.
Les effets des antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS) et des antihypertenseurs inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone sont rappelés dans cette revue. Leur prise en cours de grossesse peut induire une insuffisance rénale chez le fœtus, elle-même responsable d’une diminution de la production de liquide amniotique. La faible quantité de liquide amniotique autour du fœtus peut altérer le développement de ses poumons et être responsable d’une insuffisance respiratoire à la naissance. La prise d’AINS ou d’inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone est aussi pourvoyeuse de fermeture prématurée du canal artériel avec un risque d’insuffisance cardiaque à la naissance.
Les auteurs s’intéressent ensuite aux syndromes d’imprégnation et de sevrage néonatal. Le nouveau-né qui a reçu pendant la grossesse un médicament peut être encore soumis à la naissance aux effets pharmacologiques de ce médicament : on parle d’imprégnation aux anxiolytiques, antidépresseurs, antipsychotiques, etc. A l’inverse, le nouveau-né peut subir un syndrome de sevrage quand, après la naissance, il n’est plus exposé à aucune molécule à travers le placenta. On parle par exemple de syndrome de sevrage aux opioïdes.
Les complications infectieuses ou désordres immunitaires de type asthme sont aussi évoqués dans cette revue de littérature avec le rôle discuté des antiacides, antibiotiques, anti-TNF et immunomodulateurs, même si actuellement les données sont débattues.
Enfin, les auteurs rappellent et soulignent le risque de troubles neurodéveloppementaux et d’autisme après exposition à certains anti-épileptiques, et notamment le valproate et ses dérivés ou le topiramate.
En conclusion, les auteurs recommandent vivement de proposer des consultations pré-conceptionnelles pour les femmes ayant un traitement chronique et un désir de grossesse. Ils rappellent le rôle de la pathologie maternelle dans les troubles du développement et des complications néonatales étudiées dans cette revue de littérature.
référence
Drug-induced fetal and offspring disorders, beyond birth defects. Margaux Louchet, Mylène Tisseyre, Florentia Kaguelidou, Jean-Marc Treluyer, Laure-Hélène Préta, Laurent Chouchana
PMID: 38008599