L’étude BETADOSE a été promu par l’AP-HP et financé par un PHRC national. Ses résultats ont fait l’objet d’une publication dans The Lancet en août 20221.
Contexte de l’étude
En cas de risque d’accouchement prématuré, il est recommandé d’administrer à la mère une corticothérapie avant l’accouchement. Cette corticothérapie est le traitement de référence dans le monde entier pour prévenir les complications liées à la prématurité. Elle réduit notamment le risque de détresse respiratoire mais aussi celui d’hémorragie intracérébrale, de nécrose du tube digestif et de décès néonatal. Dans les pays développés, la molécule utilisée est la bétaméthasone à la dose de 2 injections de 12 mg administrées à 24 heures d’intervalle. Cette posologie est fondée sur des résultats d’études réalisées chez la brebis à la fin des années 60 et reste inchangée depuis 1972, date de la publication de la première étude chez la femme.
Or, malgré des bénéfices néonataux immédiats, des effets secondaires dépendant de la dose délivrée à la mère ont été rapportés. La corticothérapie est responsable de troubles de la croissance, du développement neurologique à long terme, ainsi que d’une insulinorésistance à l’âge adulte. A la lumière de ces effets indésirables, il est intéressant de supposer que la posologie actuellement recommandée pourrait-être trop élevée.
Dans ce contexte, des chercheurs du service de gynécologie obstétrique de l’hôpital Robert Debré de l’AP-HP, ont cherché à savoir si une réduction de dose pouvait être envisagée. Ils ont mené un essai clinique dit « de non-infériorité » pour savoir si une réduction de dose de 50% de betaméthasone n’était pas délétère en comparaison à la posologie complète actuellement recommandée pour prévenir le syndrome de détresse respiratoire chez le nouveau-né.
La méthodologie
Les investigateurs ont mené l’essai clinique BETADOSE dans 37 maternités en France en incluant des patientes de 18 ans ou plus, ayant une grossesse singleton (1 seul fœtus) à risque d’accouchement prématuré. L’essai clinique était proposé aux patientes juste après l’injection de la première dose de bétaméthasone si elle avait été réalisée avant 32 SA (avant la fin du 7 ème mois). Les patientes incluses étaient tirées au sort pour recevoir soit un placebo, soit la seconde injection de bétaméthasone 24 heures plus tard. Ni les médecins, ni les patientes ne connaissaient le résultat du tirage au sort : les deux ignoraient le contenu de l’injection.
Le critère de jugement principal était la nécessité d’administration de surfactant dans la trachée du nouveau-né pour traiter le syndrome de détresse respiratoire dans les 48h suivant la naissance. Pour s’assurer de la sécurité de prise en charge des patients, les investigateurs ont aussi recueilli la survenue des complications liées à la prématurité et habituellement prévenues par la posologie complète de corticothérapie. Pour s’assurer que la réduction de la dose n’était pas délétère, plusieurs analyses intermédiaires des données avant la fin de l’essai clinique ont été menées.
Premiers résultats de l’étude BETADOSE
Les investigateurs ont inclus 3244 patientes entre janvier 2017 et octobre 2019 et ont analysé le devenir de 3141 enfants.
Dans le groupe ayant reçu la demi-dose, 20,0% des nouveau-nés ont eu besoin de recevoir du surfactant dans la trachée dans les 48 heures suivant la naissance. Ils étaient 17,5% dans le groupe ayant reçu la pleine dose (différence de risque de 2,4 %, IC 95 % -0,3 à 5,2). Cettedifférence entre les deux groupes ne permet pas de conclure à la non-infériorité de la demidose de betaméthasone en ce qui concerne le critère de jugement principal.
Ces résultats ne permettent donc pas de recommander une réduction de dose de bétaméthasone
Un risque de complications graves identique quel que soit la dose
Cependant, le risque de décès néonatal et de complications graves(hémorragie intracérébrale sévère, nécrose du tube digestif, rétinopathie sévère du prématuré, nécessité d’oxygène après 36 SA) étaient identiques dans les deux groupes. La réduction de la dose de bétaméthasone n’augmentait pas le risque de complications graves liées à la prématurité.
Analyse secondaire : quel impact de la réduction de dose sur le devenir du nouveau-né à la sortie de l’hôpital ?
Les investigateurs ont mené une analyse secondaire « post-hoc » de l’essai BETADOSE pour connaitre l’impact de la réduction de dose de bétaméthasone sur le risque de survenue des complications graves à la sortie de l’hôpital.
La survie sans complications néonatales sévères était de 88.9% des nouveau-nés dans le groupe demi-dose et chez 89.1% dans le groupe dose complète (différence de risque de – 0,1 %, IC 95 % –2,4 à 2,1). Ainsi, la réduction de dose de bétaméthasone n’a pas d’impact délétère sur le devenir du nouveau-né à la sortie de l’hôpital, et ce quelque soit l’âge gestationnel à la naissance.
Perspectives
Dans un communiqué dédié, l’AP-HP souligne pour autant des résultats « très encourageants » grâce à l’espoir d’un développement neurologique identique des enfants dans les deux groupes2 .
Il faudra cependant attendre les conclusions du suivi à 5 ans des enfants proposé par l’étude BETANINO (en cours) pour savoir si un changement de pratique est possible3 .
Sources
- Schmitz, T. et al. Neonatal outcomes for women at risk of preterm delivery given half dose versus full dose of antenatal betamethasone: a randomised, multicentre, double-blind, placebo-controlled, non-inferiority trial. Lancet 400, 592–604 (2022).
- Communiqués de presse, AP-HP. Premiers résultats de l’essai BETADOSE sur une réduction de dose de 50 % du traitement anténatal par la bétaméthasone donné pour prévenir les complications de la prématurité. (2022).
- Communiqués de presse, AP-HP. Suivi à 5 ans de l’essai BETADOSE: non-infériorité d’une réduction de 50% de la dose de bétaméthasone administrée en anténatal sur le neurodéveloppement des enfants nés avant 32 semaines d’aménorrhée. Etude BETANINO.