La prise en charge des parturientes présentant un groupe sanguin rare

Qu’est-ce qu’un groupe sanguin rare ?

Le système A, B, O et le système rhésus (+ ou -) définissent les principaux types de groupes sanguins, les plus connus, et les plus importants lors de transfusion. Chaque groupe possède des anticorps naturels dirigés contre les groupes différents du sien. Ceci oblige donc au respect strict de ces groupes lors des transfusions. De nombreux autres systèmes existent.

Lors d’une grossesse (quelle qu’en soit l’issue) ou lors d’une transfusion sanguine antérieure, une femme peut s’immuniser dans un système ou l’autre. Dès lors, une transfusion avec un sang d’un sous-groupe différent aurait pour conséquence une hémolyse (destruction des hématies par les anticorps). Ces situations doivent donc être connues et anticipées afin de les maîtriser.

Un groupe sanguin est considéré comme rare lorsque sa fréquence dans la population est inférieure à 1/4000. Les mouvements migratoires augmentent ce risque. En effet, une personne considérée comme possédant un groupe rare en France, ne le sera souvent pas dans son pays où ce groupe est plus courant.

 Pourquoi se préoccuper des groupes rares lors du suivi de la grossesse ?

Lors de l’accouchement la perte de sang est obligatoire, et le plus souvent bien anticipée par l’organisme au cours de la grossesse. Toutefois dans certains cas, la perte sanguine est plus importante et oblige à compenser avec une transfusion de sang. En France, 1% des femmes qui accouchent, sont transfusées. Les équipes médicales doivent donc être organisées pour palier à cette éventualité, ce d’autant que, dans la moitié des cas d’hémorragies,, il n’y a pas d’élément permettant de les présager.

2 situations :

  • La parturiente possède un groupe rare mais n’a pas développé d’anticorps :

La surveillance biologique par des examens sanguins est essentielle car l’apparition de ces anticorps est possible à tout moment au cours de la grossesse.

Toute transfusion avec un sang de groupe différent déclenchera automatiquement la production définitive d’anticorps et compliquera transfusions et grossesses futures.

  • La parturiente possède des anticorps :

Suivant leur nature, certains anticorps (IgG) peuvent passer le placenta et être délétères pour le fœtus. Dans ce cas, la transfusion devient compliquée, voire impossible.

 Les conduites à tenir tirés de notre expérience (voir le logigramme en pièce jointe) :

  • Dépister les groupes rares les plus tôt possibles :

Pour toutes les femmes enceintes, détermination du groupe sanguin au début de la grossesse par un laboratoire équipé.

  • Surveiller l’immunisation des femmes enceintes : Surveillance des RAI (anticorps)

Pour toutes les femmes, au 3ème et 9éme mois de grossesse ;
Plus fréquente en cas de Rhésus négatif ou d’antécédent transfusionnel ;
Au moins mensuelle en cas d’apparition de RAI ou de connaissance d’un groupe rare.

  • Dès que le groupe rare est connu, prise en charge par une équipe pluridisciplinaire :

L’anesthésiste prend en charge précocement la parturiente pour éviter l’anémie en supplémentant en Fer (par voie orale et si besoin par voie intraveineuse), en envisageant si besoin une stimulation par EPO (objectifs : 12 à 14 g/100ml d’hémoglobine à l’accouchement).
L’établissement français du sang (EFS) et le centre national de référence pour les groupes sanguins (CNRGS) déterminent le type de groupe, la nature, la quantité et l’agressivité des anticorps ainsi que les risques réels de transfusion « non compatible », ils consultent la parturiente pour rechercher avec elle les possibilités de donneurs familiaux. Ils envisagent l’avenir transfusionnel de cette patiente en prévoyant à distance de l’accouchement la mise en réserve de sang congelé.
L’obstétricien évalue les risques d’hémorragie, le mode d’accouchement, le terme éventuel de la naissance.
La patiente est informée.

Cette équipe décide de la nécessité ou non de pratiquer en fin de grossesse (entre 34 et 39 SA) des prélèvements d’unité de sang maternel en vue d’une transfusion autologue (TAD, transfusion avec son propre sang, prélevé auparavant), en cas d’hémorragie. Cette décision nécessite un traitement par Fer IV et érythropoïétine (EPO).

Les autres ressources de produits sanguins sont :

  • Des donneurs éventuels, connus du CNRGS
  • Des donneurs familiaux
  • Des globules rouges congelés : du fait du temps lié à la décongélation et à l’acheminement de ces produits, leur utilisation doit être anticipée en cas d’hémorragie.
  • La gestion de la perte sanguine au cours de l’accouchement :

L’attention habituelle quant à la détection d’une hémorragie doit être renforcée et les traitements anticipés.

La césarienne doit s’associer à une récupération du sang opératoire, utilisée suivant certaines précautions du fait de la présence de liquide amniotique.

La transfusion « non compatible » doit être envisagée et réalisée suivant un protocole mis en place avec l’EFS sous couvert de corticoïdes et d’immunoglobulines non spécifiques.

AU TOTAL :

  • dépister précocement les groupes rares ;
  • optimiser l’hémoglobine pour le jour de l’accouchement, utiliser fer IV et EPO ;
  • mettre en place une équipe multidisciplinaire ;
  • envisager la transfusion autologue différée ;
  • organiser la transfusion ;
  • rédiger un document regroupant toutes les conduites à tenir à l’accouchement accessible aux équipes concernées en temps utile ;
  • informer la patiente.

Septembre 2014

Ressources

Algorithme Groupes sanguins rares